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Applications de l’IA dans les pathologies de l’aorte

L’aorte et les principales pathologies

L’aorte est un vaisseau sanguin et il s’agit de la plus grosse artère de l’organisme humain. Elle part du cœur, au niveau du ventricule gauche, se dirige vers le haut (aorte ascendante), puis réalise une crosse pour finalement descendre vers l’abdomen (aorte descendante) et se diviser ensuite en deux branches, que l’on appelle les artères iliaques. L’aorte donne naissance à de nombreuses artères et branches qui permettent d’apporter du sang oxygéné à l’ensemble du corps, dont principalement :

  • les artères carotides destinés à vasculariser le cerveau,
  • les artères sous-clavières, irriguant les membres supérieurs,
  • les artères viscérales vascularisant les différents organes de la cavité abdominale,
  • les artères iliaques, destinés principalement à vasculariser les membres inférieurs.

L’aorte est ainsi une artère de gros calibre et les maladies qui peuvent survenir sur ce vaisseau peuvent avoir des conséquences sur l’ensemble de l’organisme. Différentes lésions, de nature et d’origine variées, peuvent survenir sur l’aorte, comme :

  • Une dissection : Il s’agit d’une déchirure au sein de la paroi artérielle dans laquelle le sang va s’engouffrer et décoller les feuillets de la paroi artérielle, créant ainsi un « faux chenal ».
  • Un anévrisme : Cela correspond à une parte de parallélisme de la paroi aortique, aboutissant à une dilatation localisée de l’aorte. De façon schématique, la paroi de l’aorte va être déformée et augmentée de volume, au lieu d’être un tube cylindrique et régulier.
  • Une sténose, une occlusion : Des plaques le plus souvent liées à l’athérosclérose se développent au niveau de la paroi aortique et peuvent entrainer le rétrécissement ou l’obstruction du vaisseau.

L’anévrisme de l’aorte en pratique clinique

Est-ce fréquent ?

Affectant environ 4,3% des hommes et 1% des femmes de plus de 50 ans, l’anévrisme de l’aorte correspond à une perte du parallélisme des bords de la paroi artérielle entrainant une dilatation localisée. Si l’anévrisme peut se développer tout le long de l’aorte, 80% des anévrismes vont se situer au niveau de l’aorte abdominale, c’est-à-dire la portion située sous le diaphragme. La dilatation prend le plus souvent la forme d’un fuseau (anévrisme fusiforme), parfois la forme d’un sac (anévrisme sacciforme). D’une manière générale, il est question d’anévrisme lorsque le calibre de l’aorte abdominale, dont la normale est d’environ 2 cm, mesure plus de 3 cm ou une fois et demie son diamètre normal.

Est-ce grave ?

L’anévrisme de l’aorte abdominale (AAA) est le plus souvent asymptomatique et découvert lors de la réalisation d’un examen d’imagerie réalisé pour une autre raison. Si la maladie est souvent asymptomatique, elle n’est pourtant pas bénigne car elle peut évoluer vers des complications qui peuvent être graves et engager le pronostic vital. Le principal risque est que cet anévrisme augmente de taille et évolue vers une rupture aortique. L’aorte étant la plus grosse artère de l’organisme, la rupture de ce vaisseau est une urgence vitale qui doit être traitée immédiatement.

A quoi est-il dû ?

L’AAA est le plus souvent associé à l’athérosclérose. L’athérosclérose correspond à un remaniement pathologique aboutissant à un dépôt de plaques au niveau des artères de gros et de moyens calibres, à l’origine de nombreuses maladies cardiovasculaires (telles que l’insuffisance coronaire, la sténose carotidienne ou l’artériopathie des membres inférieurs). L’AAA est donc souvent associé à d’autres facteurs de risque cardiovasculaire comme l’âge, le sexe masculin, le tabagisme, les dyslipidémies (perturbations des taux de cholestérol et/ou de triglycérides) ou encore l’hypertension artérielle. Les antécédents familiaux constituent également un facteur de risque d’AAA. Cette prédisposition génétique est complexe, multifactorielle et non systématiquement retrouvée. De façon plus rare, certains anévrismes sont liés à des maladies génétiques identifiées (comme la maladie de Marfan par exemple); on parle alors d’anévrismes syndromiques.

Comment fait-on le diagnostic ?

Le diagnostic d’AAA est porté grâce à la réalisation d’un examen d’imagerie qui permet de visualiser l’aorte, de localiser et de mesurer la dilatation anévrismale. Différentes techniques d’imagerie sont disponibles et utilisées en pratique, dont l’échographie abdominale, le scanner avec injection de produit de contraste (angio-scanner) ou encore l’Imagerie par Résonance Magnétique (IRM). L’échographie est l’examen de choix pour réaliser un dépistage car il s’agit d’un examen facilement réalisable et non invasif. L’angio-scanner est parmi les techniques les plus utilisées pour faire le diagnostic et suivre l’évolution de l’AAA.

Comment le traite-t-on ?

A l’heure actuelle, il n’existe pas de médicament ayant montré une efficacité suffisante pour traiter l’AAA ; le seul traitement curatif repose donc sur la chirurgie. Le but de l’intervention chirurgicale est de mettre en place une prothèse dans l’aorte qui va permettre d’exclure l’AAA.

L’intervention peut être réalisée par voie ouverte (chirurgie conventionnelle) ou par voie endovasculaire, dans laquelle le chirurgien réalise des abords percutanés au niveau des artères fémorales pour introduire et monter l’endoprothèse au niveau de l’aorte.

La décision d’opérer ou non l’AAA va dépendre de l’évaluation du bénéfice et des risques liés à la chirurgie. En pratique, les principaux facteurs d’indication d’une chirurgie de l’AAA sont la taille de l’anévrisme ainsi que sa vitesse de croissance, les anévrismes de grande taille et/ou de croissance rapide étant considérés comme étant à haut risque de rupture.

La prise en charge des patients atteints d’AAA fait l’objet de concertations internationales par des groupes d’experts qui établissent des recommandations pour la pratique clinique afin de garantir la meilleure prise en charge possible avec une médecine fondée sur les preuves et constamment actualisée sur l’état des dernières connaissances.

Dans le domaine des maladies vasculaires, les recommandations pour la pratique clinique sont principalement établies par deux réseaux d’experts :

Dans le domaine des maladies vasculaires, les recommandations pour la pratique clinique sont principalement établies par deux réseaux d’experts :

En France, la Société de Chirurgie Vasculaire et Endovasculaire de langue française (SCVE) met également à disposition des informations pratiques pour mieux comprendre et mieux appréhender les maladies vasculaires et leurs traitements.

Notre recherche

Notre équipe de recherche s’intéresse particulièrement aux anévrismes de l’aorte à travers une recherche translationnelle dans l’objectif de :

  • mieux comprendre les mécanismes à l’origine du développement des anévrismes chez les patients,
  • mieux diagnostiquer, traiter et suivre la maladie.

Nous combinons les efforts en recherche clinique, en sciences fondamentales et dans le domaine de technologies innovantes afin de développer une approche transdisciplinaire nécessaire pour améliorer la prise en charge des patients. Les résultats publiés de nos recherches sont consultables sur le lien suivant.

Au sein de l’Institut 3IA Côte d’Azur, notre équipe s’intéresse aux applications de l’Intelligence Artificielle (IA) pour améliorer la prise en charge des maladies vasculaires, dont les anévrismes de l’aorte.

Les apports de l’Intelligence Artificielle (IA) dans les anévrismes de l’aorte

Malgré des progrès et des avancées majeurs en médecine et dans le traitement des maladies cardiovasculaires au cours des dernières décennies, différents challenges persistent pour continuer d’améliorer la prise en charge des patients atteints d’AAA. L’IA est un domaine très vaste qui offre la possibilité de développer de nombreuses applications en médecine (cf chapitre dédié) et nous nous intéressons particulièrement à son intérêt pour mieux prendre en charge l’anévrisme de l’aorte. Pour une information détaillée sur l’état des connaissances dans ce domaine, vous pouvez consulter l’article suivant que nous avons publié : pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32093909.

L’IA pour améliorer l’imagerie médicale

Il existe un intérêt grandissant d’utiliser l’IA pour améliorer et faciliter l’analyse de l’imagerie médicale. En effet, bien que performants, les logiciels actuellement commercialisés et utilisés en pratique médicale sont semi-automatiques, c’est-à-dire qu’ils nécessitent la visualisation et l’interprétation par des médecins spécialisés et entrainés. Ces logiciels offrent la possibilité d’étudier précisément l’anatomie des patients. Pour la chirurgie vasculaire, ils permettent notamment de mesurer la taille des vaisseaux afin de commander des endoprothèses sur mesure, adaptées à l’anatomie des patients. Cependant, la réalisation de ces mesures est une tâche difficile, longue, parfois fastidieuse, qui nécessite des spécialistes formés et entrainés, avec parfois un risque de variation d’un opérateur à l’autre.

Un des enjeux de l’IA est d’apporter de nouveaux outils fiables aux cliniciens pour pouvoir optimiser ces tâches pour en améliorer la précision, la reproductibilité et également pour gagner du temps qui pourra être consacré pleinement à la prise en charge des patients. Le développement de logiciels complètement automatique pour la segmentation et l’analyse de l’imagerie médicale pourrait ainsi révolutionner la discipline et apporter des outils complémentaires utiles aux praticiens. Dans le domaine de l’imagerie du système vasculaire, notre équipe a été parmi les pionnières à développer un logiciel complètement automatique permettant une analyse du scanner des patients ayant un anévrisme de l’aorte.

Pour ces travaux sur les applications de l’IA dans l’anévrisme de l’aorte, Fabien Lareyre, membre de notre équipe, a été lauréat d’un Prix de l’Académie de Médecine en 2021.

Ce genre d’application a un intérêt en pratique clinique, en facilitant l’analyse de l’imagerie et la préparation de l’intervention chirurgicale, mais également en recherche, puisqu’elle permet d’extraire très facilement des données anatomiques précises qui peuvent ensuite être étudiées pour mieux comprendre la maladie. Différentes entreprises et start-ups travaillant sur ce domaine se sont récemment crées en France, mais également en Europe, offrant de belles perspectives futures de pouvoir utiliser ces technologies de pointe pour améliorer la prise en charge des patients. De façon non exhaustive, voici quelques liens :

L’IA pour développer des systèmes d’aide à la décision thérapeutique

Les algorithmes de Machine Learning (apprentissage automatique) sont conçus pour apprendre de façon autonome à effectuer une tâche à partir de données et ils sont capables d’améliorer leurs performances au fur et à mesure qu’ils sont alimentés par de nouvelles données.  Ils permettent ainsi d’explorer des associations très complexes entre les données sans aucune hypothèse a priori pour mettre en évidence des profils ou développer des modèles de prédiction.

Lorsqu’un anévrisme de l’aorte est diagnostiqué chez un patient, la question cruciale qui se pose est : « faut-il opérer l’anévrisme ou, au contraire, vaut-t-il mieux s’abstenir chirurgicalement et surveiller régulièrement le patient ? ». Devant un anévrisme de l’aorte symptomatique, il existe une indication à un traitement chirurgical en urgence du fait du risque de rupture aortique. Dans le cas d’un anévrisme asymptomatique, les recommandations actuelles préconisent une intervention chirurgicale en fonction de l’évaluation de la balance entre le risque de croissance et de rupture de l’anévrisme par rapport aux risques liés à la chirurgie. Néanmoins, les médecins ne détiennent malheureusement pas une boule de cristal leur permettant de prédire le futur et il existe très peu d’outils objectifs à disposition qui permettent d’évaluer le risque d’évolution de l’anévrisme. En apportant de nouvelles techniques telles que le Machine Learning, l’IA pourrait permettre de développer des nouveaux modèles de prédiction permettant de mieux évaluer le risque d’évolution de l’anévrisme à partir des données cliniques, biologiques et de l’imagerie des patients. Différentes études pilotes ont été publiées et ont montré des résultats encourageant d’utiliser le Machine Learning pour évaluer le pronostic de la maladie, en permettant de prédire le risque de croissance et de rupture de l’AAA ainsi que d’évaluer le risque de complications post-opératoires. L’IA offre ainsi la perspective de développer de nouveaux outils d’aide à la décision thérapeutique en offrant une médecine de précision permettant de proposer une prise en charge personnalisée adaptée à chaque patient.

Pour une information détaillée sur l’état des connaissances dans ce domaine, vous pouvez consulter l’article suivant que nous avons publié : pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32093909.

Les challenges restant à surmonter

Si l’IA offre des perspectives très prometteuses pour améliorer la médecine de demain dont la prise en charge des anévrismes de l’aorte, la recherche dans ce domaine en est encore à ses débuts et des étapes essentielles restent à réaliser avant que ces applications puissent être utilisées en pratique médicale. Tout d’abord, ces applications doivent être évaluées et validées par les professionnels de santé afin de vérifier leur performance, leur efficacité et la sécurité de leur utilisation.

Les applications dérivées de l’IA sont développées à partir des données médicales et nécessitent d’être entrainées sur des volumes de données importants (big data) afin d’être performantes et applicables à l’ensemble des patients. D’un centre à l’autre et d’un pays à l’autre, les données médicales sont très hétérogènes et de qualité variable car elles peuvent être générées par différents fournisseurs et stockées sous différents formats, dans différents registres.

Il existe ainsi une réelle nécessité de fédérer les acteurs de la recherche afin d’uniformiser et de standardiser le recueil et l’utilisation des données pour construire une approche transdisciplinaire internationale dans laquelle les experts de l’IA et les professionnels de santé travaillent en collaboration pour développer une IA pour tous, innovante, performante et responsable.  Outre l’enjeu médical, l’éthique reste au cœur du développement des applications de l’IA en Santé, qui sont soumises à une réglementation très stricte, afin de garantir la protection des données, le respect de la vie privée et de la volonté des patients.

Enfin, l’innovation et le développement d’applications dérivées de l’IA requièrent des infrastructures adaptées ainsi que du personnel et des experts compétents, nécessitant un investissement économique conséquent, avec potentiellement des retombées à long terme sur la santé à l’échelle individuelle et collective.