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Applications de l’IA dans l’artériopathie
oblitérante des membres inférieurs

L’artériopathie oblitérante des membres inférieurs en pratique clinique

L’artériopathie oblitérante des membres inférieurs (AOMI), également appelée artérite des membres inférieurs, correspond à une obstruction d’une ou des artères vascularisant les membres inférieurs. Les principales artères vascularisant les membres inférieurs sont les artères iliaques, qui se divisent en artères fémorales, elles-mêmes donnant naissance à l’artère poplitée au niveau des genoux, qui donne ensuite les artères tibiales et l’artère fibulaire.

Lorsque l’obstruction de l’artère est partielle, on parle de sténose correspondant à un rétrécissement du calibre de l’artère. Dans le cas où l’obstruction est totale, il s’agit d’une thrombose correspondant à une occlusion de l’artère. L’obstruction artérielle entraine une diminution de l’apport de sang et d’oxygène au niveau du membre inférieur et donc un défaut de vascularisation : c’est ce qu’on appelle une ischémie.

 

Est-ce fréquent ?

L’AOMI est une maladie fréquente qui touche plus de 230 millions de personnes dans le monde. Il s’agit d’un problème de santé publique à l’échelle mondiale.

 

Est-ce grave ?

Si la maladie peut rester longtemps asymptomatique, elle n’est pas bénigne car elle peut évoluer vers des complications pouvant menacer le pronostic vital ou le pronostic fonctionnel du membre. Au début de la maladie, les symptômes sont peu marqués et peuvent se traduire par une douleur au niveau du membre qui apparait au cours d’un effort, comme la marche, et qui disparait quelques minutes après arrêt de l’effort. Lorsque la maladie évolue, les douleurs se traduisent même au repos ; celles-ci augmentent lorsque le patient est allongé, et elles sont au contraire soulagées par la position déclive du fait de l’augmentation de l’apport sanguin lié à la gravité. Au stade le plus avancé, des troubles trophiques peuvent apparaitre comme des ulcères (plaie cutanée), une nécrose, ou une gangrène. Ce stade menace la viabilité du membre et est associé à un risque d’amputation.

A quoi est-t-elle due ?

L’AOMI est liée à une atteinte de la paroi artérielle par un dépôt de plaque d’athéromes. Ces plaques sont en partie liées à l’accumulation de cholestérol et elles provoquent une réaction inflammatoire de la paroi entrainant une maladie artérielle diffuse que l’on appelle l’athérosclérose. Différents facteurs de risque d’athérosclérose ont été identifiés, dont le tabagisme, l’hypertension artérielle, le diabète, les dyslipidémies (augmentation des taux de cholestérol), l’hérédité familiale ou encore le sexe masculin.

Comment fait-on le diagnostic ?

Le diagnostic d’AOMI est réalisé cliniquement grâce à la mesure de l’index de pression systolique (IPS) et est confirmé grâce à la réalisation d’examens complémentaires. L’écho-doppler du membre inférieur est un examen simple et non invasif qui permet de mettre en évidence le rétrécissement des artères, de mesurer le degré de sténose ou d’identifier une thrombose. Selon le contexte clinique, d’autres examens comme l’angioscanner (scanner avec injection de produit de contraste), l’angio-IRM (Imagerie par Résonance Magnétique) et parfois l’artériographie du membre inférieur, peuvent être nécessaires pour évaluer avec précision la localisation et l’étendue des lésions artérielles.

Comment la traite-t-on ?

Le traitement de l’AOMI est adapté à chaque patient en fonction de la sévérité et du stade de la maladie. Son but est d’agir sur les facteurs de risque d’athérosclérose, de prendre en charge les complications et également de traiter l’obstruction artérielle en revascularisant le membre. Le traitement médical repose sur le respect de règles hygiéno-diététiques concernant les habitudes de vie (alimentation, activité physique, arrêt du tabagisme) afin de lutter contre les facteurs contribuant au développement et à l’aggravation de l’AOMI. Des médicaments peuvent être associés afin de maintenir une tension artérielle correcte, de contrôler le taux de cholestérol ou traiter un diabète éventuellement associé. Des antiagrégants plaquettaires sont également prescrits afin de fluidifier le sang et de prévenir la formation de caillots au niveau des plaques d’athérome qui pourraient aggraver l’obstruction artérielle.

En fonction de la sévérité de l’AOMI, un traitement chirurgical peut être indiqué dans le but de revasculariser le membre inférieur. Différentes techniques peuvent être réalisées dont :

  • La dilatation d’artère au ballon (angioplastie) qui peut être associée à la mise en place d’un stent (ressort).
  • L’endartériectomie (ou thrombo-endartériectomie) au cours de laquelle le chirurgien va enlever la plaque d’athérome.
  • Le pontage artériel qui consiste à court-circuiter la zone artérielle obstruée et à rétablir un apport sanguin dans la région située en aval en créant un nouveau circuit.

La prise en charge des patients atteints d’AOMI fait l’objet de concertations internationales par des groupes d’expert qui établissent des recommandations pour la pratique clinique afin de garantir la meilleure prise en charge possible avec une médecine fondée sur les preuves et constamment actualisée sur l’état des dernières connaissances.

Dans le domaine des maladies vasculaires, les recommandations pour la pratique clinique sont principalement établies par deux réseaux d’experts :

En France, la Société de Chirurgie Vasculaire et Endovasculaire de langue française (SCVE) met également à disposition des informations pratiques pour mieux comprendre et mieux appréhender les maladies vasculaires et leurs traitements.

Notre recherche

Nous nous intéressons aux facteurs qui contribuent au développement et à l’aggravation de l’AOMI ainsi qu’à l’évolution des patients après un traitement chirurgical dans le but d’améliorer la prise en charge de cette maladie. Au sein de l’Institut 3IA Côte d’Azur, notre équipe s’intéresse aux applications de l’Intelligence Artificielle (IA) pour améliorer la prise en charge des patients atteints de maladies vasculaires, dont l’AOMI. Nous travaillons en particulier sur le développement de nouveaux logiciels pour faciliter et améliorer l’analyse de l’imagerie des patients.

Les apports de l’Intelligence Artificielle (IA) dans l’artériopathie oblitérante des membres inférieurs

Nous travaillons depuis plusieurs années sur les applications de l’IA dans les maladies vasculaires et nous avons été témoins du fort dynamisme et des grandes avancées réalisées sur cette thématique. Nous avons récemment fait l’analyse des publications académiques qui confirme l’expansion majeure de ce domaine de recherche, en particulier au cours de ces 5 dernières années. Bien que la recherche sur les applications de l’IA pour améliorer la prise en charge de l’AOMI en est encore à ses débuts, les premiers résultats offrent des perspectives encourageantes.

Les apports du Natural Language Processing (NLP)

Le Natural Language Processing (NLP) est un champ de l’IA qui s’intéresse aux applications pour l’analyse du langage écrit ou parlé. Le NLP offre ainsi de nombreuses perspectives en santé, notamment pour améliorer et optimiser le système d’information (cf chapitre dédié). Bien que la prévalence de l’AOMI dans le monde soit très élevée, touchant plus de 230 millions de personnes, cette maladie est souvent sous-diagnostiquée et prise en charge à des stades tardifs, déjà avancés. Différentes études récemment publiées ont montré que le NLP pourrait offrir de nouvelles techniques pour analyser les données médicales et permettre aux professionnels de mieux détecter et diagnostiquer les patients atteints d’AOMI (pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35921995/).

Les apports dans le domaine de la vision

La « vision », également appelée « computer vision » est une branche de l’IA qui s’intéresse à l’analyse et au traitement d’images ou de vidéos. L’imagerie médicale joue un rôle central dans la prise en charge des patients atteints d’AOMI puisqu’elle permet de diagnostiquer la maladie, d’évaluer la sévérité, de préparer l’intervention thérapeutique et de suivre le patient après son traitement.

Un des enjeux majeurs de l’IA est d’automatiser et de rendre plus performante l’analyse de l’imagerie médicale pour les professionnels de santé. Différentes études pilotes ont montré que l’IA pourrait être utilisée pour permettre une détection automatique des lésions artérielles caractéristiques de l’AOMI (pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35921995/).

Ce genre d’outil pourrait venir compléter l’expertise des professionnels de santé et les aider à mieux dépister la maladie, en particulier chez les patients asymptomatiques ou ceux présentant des lésions débutantes et donc plus difficiles à diagnostiquer. Le développement de logiciels automatiques pourrait aussi permettre de faciliter la classification des lésions et l’évaluation de la sévérité de la maladie, en permettant d’effectuer les mesures de vaisseaux de façon automatique et standardisée.

Ce genre d’application pourrait améliorer la précision et la reproductibilité des mesures, tout en faisant gagner du temps aux professionnels. Outre une application clinique, cette technologie offre également de nouvelles perspectives pour mieux comprendre les mécanismes à l’origine de l’AOMI en permettant d’analyser automatiquement et rapidement les données anatomiques précises du système vasculaire des membres inférieurs. Notre équipe a mis au point un logiciel complètement automatique permettant une analyse des scanners de patients atteints de maladies vasculaires. Les articles publiés sont disponibles sur les liens suivants :

Grâce à ce nouvel outil, nous avons pu par exemple étudier plus en détails l’impact des calcifications vasculaires chez les patients opérés pour une AOMI (pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/35921995/). Les perspectives d’applications sont très diverses et elles pourraient permettre de mieux comprendre cette maladie pour améliorer la prise en charge des patients.

Les apports du Machine Learning

Le Machine Learning (ML) est une branche de l’IA, qui permet à une machine ou à un ordinateur d’apprendre à partir des données pour construire des modèles prédictifs capables de s’améliorer au fur et à mesure que de nouvelles données sont ajoutées. En pratique clinique, la décision thérapeutique lors de la prise en charge d’un patient repose sur l’évaluation de la balance bénéfices/ risques en prenant en considération la maladie et sa sévérité ainsi que l’état général du patient et l’existence d’autres maladies éventuellement associées. Les modèles prédictifs ont un fort intérêt en pratique clinique car ils pourraient permettre de mieux évaluer le pronostic des patients en graduant le risque de complications liées à la maladie, mis en balance avec les potentielles complications liées au traitement. Différentes études ont récemment montré l’intérêt du ML pour évaluer le risque d’aggravation de l’AOMI ainsi que le risque de complications post-opératoires. Ce genre d’application offre la perspective de développer une médecine de précision permettant de proposer une prise en charge personnalisée adaptée à chaque patient.

Pour une information détaillée sur l’état des connaissances dans ce domaine, vous pouvez consulter l’article suivant que nous avons publié.

Les challenges restant à surmonter

Si l’IA offre des perspectives très prometteuses pour améliorer la médecine de demain dont la prise en charge de l’AOMI, la recherche dans ce domaine en est encore à ses débuts et des étapes essentielles restent à réaliser avant que ces applications puissent être utilisées en pratique médicale. Tout d’abord, ces applications doivent être évaluées et validées par les professionnels de santé afin de vérifier leur performance, leur efficacité et la sécurité de leur utilisation.

Les applications dérivées de l’IA sont développées à partir des données médicales et nécessitent d’être entrainées sur des volumes de données importants (big data) afin d’être performantes et applicables à l’ensemble des patients. D’un centre à l’autre et d’un pays à l’autre, les données médicales sont très hétérogènes et de qualité variable car elles peuvent être générées par différents fournisseurs et stockées sous différents formats, dans différents registres.

Il existe ainsi une réelle nécessité de fédérer les acteurs de la recherche afin d’uniformiser et de standardiser le recueil et l’utilisation des données pour construire une approche transdisciplinaire internationale dans laquelle les experts de l’IA et les professionnels de santé travaillent en collaboration pour développer une IA pour tous, innovante, performante et responsable.  Outre l’enjeu médical, l’éthique reste au cœur du développement des applications de l’IA en Santé, qui sont soumises à une réglementation très stricte, afin de garantir la protection des données, le respect de la vie privée et de la volonté des patients.

Enfin, l’innovation et le développement d’applications dérivées de l’IA requièrent des infrastructures adaptées ainsi que du personnel et des experts compétents, nécessitant un investissement économique conséquent, avec potentiellement des retombées à long terme sur la santé à l’échelle individuelle et collective.